Prévention
Lubrifiants - spermicides - microbicides

Les méthodes féminines de protection locale

Mai 1996

39 minutes

Rédigé par Erica GOLLUB

(abstinence, monogamie, préservatif masculin), le niveau actuel de progrès en matière de protection reste très modeste. Les exemples de réussite se limitent généralement à des programmes très intensifs et laborieux que la plupart des pays auront du mal à développer à grande échelle. Une utilisation régulière du préservatif masculin demeure un enjeu important pour une grande part de la population, même pour les sous-groupes les plus à risque. De récentes enquêtes américaines et européennes ont montré que, chez les hétérosexuels, le préservatif n’est utilisé de manière constante que par 10 % des individus, voire moins; les pourcentages sont légèrement supérieurs en ce qui concerne le port occasionnel du préservatif (1). Il ressort de la plupart des mesures prises au plan mondial que des changements majeurs d’attitude, tant du point de vue politique que social, doivent être mis en œuvre pour accroître le contrôle des femmes sur leur propre santé et pour aider les hommes à changer radicalement leurs comportements social et sexuel afin que les femmes soient moins exposées au sida et autres maladies sexuellement transmissibles (MST) (2). Tant aux Etats-Unis qu’en France, entre un cinquième et un quart des cas de sida récemment diagnostiqués touchent des femmes Q). Le nombre de cas de sida diagnostiqués chez les femmes augmente proportionnellement plus vite que dans d’autres groupes, ce qui dénote des taux importants de transmission du VIH à partir du milieu des années 80. Dans certains groupes étudiés, la séroprévalence du VIH chez les femmes est égale, voire supérieure à celle des hommes. Le présent article est une revue générale de la littérature et examine l’état actuel des connaissances en matière de protection des femmes contre les MST/VIH ; il souligne par ailleurs les éléments importants de recherche et d’études pour les travaux à venir.


Afin de contenir le présent article à des limites éditoriales raisonnables, nous n’avons pas traité un certain nombre de problèmes importants liés à ce sujet, tels que le rapport entre planning familial et prévention des MST, ou le rôle que doivent jouer à long terme les moyens physiques de protection mis à la disposition des femmes et les stratégies permettant de lutter contre l’oppression des femmes et, par voie de conséquence, réduire leur vulnérabilité au VIH et autres MST. Nous espérons cependant que cet examen favorisera à l’avenir une réelle prise en compte de ces sujets, qui ont dans ce domaine une importance primordiale. A l’heure actuelle, tous les moyens de protection des femmes sont aussi des méthodes contraceptives, bien que la contraception ne soit pas nécessairement liée à une protection contre te VIH. En réalité, bon nombre d’études scientifiques suggèrent que contraception et prophylaxie des MST peuvent être dissociées et traitées indépendamment l’une de l’autre. Par conséquent, les futures techniques de protection contre les MST devraient également avoir pour but de permettre aux femmes de choisir ou non de concevoir.

■ Les spermicides

Aux Etats-Unis, les solutions spermicides à base de nonoxynol-9 (N9) ou d’octoxynol-9 étaient en vente libre dès les années quarante (4) et ont été utilisées par des millions de femmes sexuellement actives, seules ou associées à un diaphragme, une cape cervicale ou un préservatif masculin. En général, la FDA américaine (Food and Drug Administration) a considéré ces produits comme suffisamment sûrs et efficaces. Leur efficacité contraceptive est très variable et difficilement évaluable. La FDA a récemment publié pour commentaires un rapport exigeant des fabricants qu’ils apportent des preuves plus tangibles de l’efficacité déclarée de leurs produits contraceptifs (5).

Dans des conditions expérimentales in vitro, le N9, à une concentration de 0,05% ou plus (souvent retrouvée pour les produits spermicides courants), inactive le VIH en moins de 60 secondes (6). Le N9 inhibe également le développement de la plupart des agents pathogènes des autres MST soumis à essai dans de nombreuses études - y compris ceux responsables de la gonorrhée, la syphilis, le trichomonas, l’herpès, l’hépatite B et le chlamydia (7).

De nombreuses études cliniques menées aux Etats-Unis depuis 1970 ont montré que le N9 et le 09 contenus dans des spermicides présentaient un certain degré de protection contre les MST. La plupart de ces études fournissent des estimations de l’indice «use-effectiveness» («degré d’efficacité dans l’utilisation») (8), qui mesure l’efficacité du produit au sein d’une population de divers types d’usagers - y compris des personnes susceptibles de ne pas utiliser le produit à chaque rapport sexuel et/ou qui n’en font pas un usage correct. Les indices « use-effectiveness » varient donc en fonction de la population examinée et du protocole de l’étude. Un autre indice utile est le «method effectiveness » («efficacité de la méthode ou efficacité par "utilisation adéquate"»), qui évalue la performance du produit dans des conditions optimales d’utilisation. Des essais cliniques contrôlés ont démontré que l’emploi correct de spermicides réduisait le risque d’infection bactérienne sexuellement transmissible dans une proportion de 25% à 70% en comparaison avec les groupes de femmes non traitées (9).

Les écarts de résultats d’une étude à l’autre sont importants, d’une part du fait de la diversité des types d’études, des populations et des protocoles, et d’autre part de la grande variété de produits utilisés (par exemple : gel ou film soluble). Un taux moyen général de protection de 50 % pour tous les produits spermicides a été proposé, car ces estimations sont actuellement imprécises (10). Certaines études expérimentales (menées sur des femmes qui avaient le choix de la méthode à appliquer) ont même démontré un degré de protection plus élevé, voire souvent supérieur à celui obtenu par l’utilisation de préservatifs masculins. Ces études soulignent la manière dont la fréquence d’utilisation relativement faible du préservatif masculin est responsable du faible indice «use-effectiveness», dénotant ainsi un écart important avec les indices fréquemment mentionnés pour les préservatifs masculins (soit 95 % ou plus, ou préservatifs masculins dans une situation idéale). Le rôle prépondérant d’une utilisation régulière et correcte de la méthode de protection locale est encore sous-estimé dans l’appréciation du degré réel de protection.

■ La controverse au sujet des spermicides

Le rôle des spermicides dans la prophylaxie du VIH est controversé. Comme nous l’avons vu précédemment, les spermicides assurent une protection potentielle non négligeable contre la gonorrhée, chlamydia, trichomonas et cancer du col de l’utérus, ce qui se traduit par un avantage indirect immédiat vis-à-vis du risque d’infection par le VIH ; en effet, les MST peuvent expliquer, dans certaines situations, jusqu’à 50% et plus de cas d’infection par le VIH (11). Pour les femmes déjà infectées par le VIH, les spermicides peuvent réduire le risque de contracter d’autres MST, ce qui souvent, en cas de coïnfection par le VIH, s’accompagne de symptômes plus graves et d’une résistance plus grande au traitement administré (12).

Certains investigateurs ont soulevé le problème des effets indésirables théoriques des spermicides dans la prévention de l’infection par le VIH. Ces constatations sont fondées sur l’observation d’irritations vaginales chez certaines utilisatrices, et plus particulièrement en cas d’utilisation très fréquente et/ou d’exposition à des doses cumulées importantes. L’une des études susmentionnées concerne un essai clinique randomisé concernant des prostituées de Nairobi, dont la moitié utilisaient l’éponge « Today », imprégnée de spermicide, et l’autre moitié (appelées groupe « témoin ») une crème ou un dispositif intravaginal non spermicide. Toutes les participantes disposaient également de préservatifs masculins (13). Les femmes ont rapporté une moyenne de 42 partenaires par semaine. Les auteurs ont conclu à une absence de réduction du risque d’infection par le VIH chez les utilisatrices d’épongés. En outre, ils ont constaté chez ces dernières une augmentation du nombre des cas d’ulcères génitaux, augmentation qu’ils ont rapprochée du caractère irritant des spermicides (voir tableau p. 17 dans le PDF). Bien que cette étude ait été immédiatement apportée comme infirmant le rôle protecteur du nonoxynol-9, elle était biaisée par de nombreux problèmes méthodologiques graves qui ne permettaient pas d’établir des conclusions définitives quant à l’intérêt du nonoxynol-9 dans la prévention de l’infection par le VIH. En premier lieu, les deux groupes de femmes, comparés à la fin de l’étude, présentaient au début de cette même étude une inégalité quant à la prévalence des ulcères génitaux : le groupe utilisant les éponges développait déjà un nombre supérieur d’ulcères génitaux avant même d’utiliser les éponges. De même, les utilisatrices d’épongés ont présenté une augmentation significative des lésions de la vulve, mais pas au niveau du vagin ou du col, ce qui, biologiquement, constitue un effet secondaire peu probable de l’utilisation de l’éponge, fait qui n’a ni précédemment (14) ni ultérieurement (voir tableau p. 17) été associé à l’éponge proprement dite. Enfin, on avait demandé aux femmes de changer leur éponge plusieurs fois par jour (tous les 2 ou 3 partenaires), ce qui les exposait par conséquent à des doses inhabituellement élevées de spermicide. Ceci a d’autant plus compliqué l’interprétation des résultats de l’étude que ce type d’éponge était particulièrement riche en spermicide (1 000 mg N9) adapté à un port continu de 24 heures.

Ainsi, les effets préjudiciables attribués à l’éponge dans cette étude -augmentation d’ulcères vulvaires peuvent être le fait de comportements mal pris en compte au cours de l’étude (douche vaginale, «lavage à sec» ou insertion de substances organiques ou synthétiques dans le vagin pour le rendre plus étroit et plus sec), ou d’une défaillance de la procédure de randomisation de l’étude. On a observé que le taux de développement d’ulcères génitaux est très élevé dans cette partie de l’Afrique, comme cela a été démontré par une étude menée à la même période dans cette même zone géographique et sans utilisation de N9, où la prévalence d’ulcères génitaux chez les femmes était comparable à celle observée dans le groupe utilisant l’éponge dans l’étude de Kreiss et de ses collaborateurs (15).

Au vu des nombreuses imperfections de l’étude menée à Nairobi, une interprétation prudente consisterait à dire qu’une préparation à base de spermicide à haute dose comme celle de l’éponge «Today» pourrait avoir sa place en matière de prévention pour la plupart des femmes mais pas pour les professionnelles du sexe. Cependant, cette étude a de toute évidence soulevé plus de questions qu’elle n’en a résolu (16).

D’autres études cliniques ultérieures sur le N9, utilisant un dosage plus faible du produit, n’ont pas retrouvé ce risque accru d’ulcère de la vulve. Deux études expérimentales rigoureuses (au cours desquelles les femmes utilisaient des produits spermicides au moins quatre fois par jour pendant au moins quatre semaines et à qui on avait demandé de pratiquer l’abstinence) ont démontré et confirmé les effets irritants des spermicides pour l’épithélium en cas d’applications répétées et d’absence de rapports sexuels (17). Le col était le site d’élection de la majorité des érythèmes (rougeurs) et des lésions épithéliales. Les effets des spermicides sur la muqueuse vaginale ou cervicale peuvent être induits en partie, voire en totalité, par les constituants inactifs du produit. Une récente étude menée sur des prostituées sénégalaises utilisant des ovules à base de produit actif menfegol a démontré que les insertions fréquentes à la fois du produit actif et de constituants inactifs seuls entraînaient des lésions souvent asymptomatiques des muqueuses vaginales et cervicales (18). La signification de ces études reste très imprécise pour ce qui concerne le risque réel de lésion épithéliale dans des conditions normales d’utilisation, d’autant plus que les études cliniques actuelles (c’est-à-dire utilisation du produit avec rapport sexuel) n’ont pas confirmé les effets observés. On se demande encore aujourd’hui si les produits spermicides actuellement utilisés dans des conditions d’application fréquente ne constituent pas un risque accru d’infection par le VIH. 

D’autre part, il se peut que les spermicides actuels ne soient pas adaptés à une application systématique (c’est-à-dire qu’il y ait ou non rapport sexuel). Cette stratégie de prévention systématique n’a en effet jamais été préconisée, alors qu’elle permettrait en théorie de libérer l’acte sexuel de la notion de prévention ; elle aurait en outre l’avantage de ne pas être partagée avec le partenaire, ce qui en augmenterait par ailleurs l’efficacité. Lors de ces études, les impressions d’irritations rapportées n’ont pas été corrélées aux lésions épithéliales observées à l’examen des muqueuses. Il conviendrait que de futures études des lésions épithéliales ne soient pas fondées sur des irritations auto-évaluées par les utilisatrices mais s’appuient plutôt sur un examen visuel du col au direct. Deux études expérimentales menées en Afrique ont démontré la capacité des spermicides à assurer une protection -significative, dans un cas contre l’infection par le VIH (voir tableau p. 17). L’une de ces études a été conduite sur des professionnelles du sexe camerounaises qui rapportaient une moyenne de 3,2 partenaires par semaine pendant la période d’observation (19). Au cours des séances de counseling, il avait été demandé à ces femmes d’utiliser à la fois des préservatifs et des ovules solubles (100mg de N9). Après ajustement pour les autres facteurs de risque, notamment l’utilisation simultanée de préservatifs, une réduction de 90% de nouvelles infections par le VIH a été constatée chez les utilisatrices régulières d’ovules par rapport aux femmes qui en faisaient moins fréquemment usage. Une plus grande utilisation des spermicides n’a pas entraîné d’augmentation des ulcères génitaux; en fait, celles qui les utilisaient le plus fréquemment développaient moins d’ulcères génitaux que les utilisatrices occasionnelles, ce qui permet de penser que les spermicides peuvent assurer une protection contre le développement d’ulcères associés aux MST (20).

Contrairement à l’étude réalisée à Nairobi, cette dernière a su tenir compte de l’utilisation de préservatifs et du comportement sexuel réel, grâce à l’analyse de carnets d’activité sexuelle qui étaient auto-complétés par les participantes. Cette étude a révélé un résultat inattendu : l’utilisation correcte et régulière de préservatifs n’apportait aucun avantage global supplémentaire aux femmes concernées. Les investigateurs ont émis l’hypothèse selon laquelle les femmes ont exagéré le port de préservatifs de leurs partenaires pour faire plaisir aux enquêteurs; d’ailleurs, lorsque l’analyse s’est limitée aux femmes qui avaient déclaré d’emblée que leurs partenaires portaient des préservatifs, on a observé que celles-ci considéraient que les spermicides assuraient une protection suffisante. De même, les taux de rupture des préservatifs étaient très élevés. Soixante-treize pour cent des femmes ont déclaré avoir constaté au moins une rupture de préservatif. Au total, 39% des femmes ont signalé des douleurs, des irritations ou des blessures dues au préservatif, ce qui les a peut-être conduites à les retirer avant l’éjaculation. Les investigateurs ont remarqué que la tolérance du préservatif utilisé de manière très intense, particulièrement chez les professionnelles du sexe, est rarement étudiée, notamment l’augmentation de la probabilité de lésion de la paroi vaginale avec l’utilisation accrue de préservatifs dans le cas de rapports sexuels répétés. Bien qu’il s’agisse d’une étude non randomisée, une analyse en sous-groupes distinguant les rapports sexuels avec préservatif et sans préservatif a permis une évaluation de l’intérêt des spermicides lorsqu’ils sont utilisés seuls. Ces analyses complémentaires confirment la relation dose-effet des spermicides dans leurs effets protecteurs vis-à-vis de la gonorrhée et du VIH, comparables à ceux apportés par les préservatifs masculins (RR = 0,4, ou une réduction du risque de 60% par rapport à ceux n’utilisant pas de spermicides), ainsi qu’un effet protecteur attendu des préservatifs qui est légèrement supérieur (RR = 0,3, ou 70% de réduction du risque) (21).

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On se demande encore aujourd’hui si les produits spermicides actuellement utilisés dans des conditions d’application fréquente ne constituent pas un risque accru d’infection par le VIH.

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Une seconde étude conforte l’idée selon laquelle les spermicides sont de nature à réduire le risque d’infection par le VIH ; elle a été réalisée sur 110 couples zambiens ayant des sérologies pour le VIH discordantes(22) (voir tableau p. 17). Malheureusement, du fait du caractère restreint de l’étude, des résultats statistiques significatifs n’ont pu être obtenus. Au cours des entretiens de counseling, il fut suggéré aux couples d’utiliser des spermicides et des préservatifs; ils furent ensuite examinés et interrogés tous les trois mois sur une période de suivi de 18 mois. Les carnets d’activité sexuelle ont été collectés à chaque consultation. Une utilisation régulière de préservatifs a assuré une excellente protection des partenaires séronégatifs hommes et femmes (risque relatif = 0,2). Par contre, l’utilisation régulière de spermicides n’a assuré dans l’ensemble qu’une faible protection (RR = 0,8). Chez les femmes, l’effet a été plus important : 50% de réduction du risque. Les investigateurs de cette étude ont émis l’hypothèse selon laquelle les partenaires masculins de femmes séropositives pour le VIH avaient pu être exposés, en dehors de cette relation stable, par des rapports sexuels non protégés, ce qui aurait pu compenser une réduction du risque obtenue par l’utilisation de N9 avec leurs partenaires principales. Le taux de séroconversion a été plus faible chez les couples utilisateurs réguliers de N9 que chez les couples utilisateurs épisodiques de préservatifs, ce qui permet de penser que les spermicides ont pu aider à réduire le risque d’infection par le VIH. Aucun de ces résultats n’a cependant été significatif d’un point de vue statistique, A la raison étant probablement un trop faible nombre de couples suivis. Il faut ajouter à cela que l’utilisation E du préservatif ayant été très élevée dans cette étude (78% des rapports sexuels étaient protégés par un préservatif), il était peu probable de pouvoir observer les effets des spermicides utilisés seuls sur le risque de transmission du VIH.

Dans cette étude, comme dans celle réalisée au Cameroun, l’examen au spéculum du vagin et du col n’a révélé aucune augmentation des lésions épithéliales chez les utilisatrices de spermicides par rapport aux non-utilisatrices. En fait, comme pour l’étude menée au Cameroun, il a clairement été constaté une réduction du développement des ulcères infectieux chez les utilisatrices de spermicides, due sans doute à l’effet «traitant» des spermicides. Les spermicides approuvés aux Etats-Unis sont présentés sous leurs différentes formes galéniques au tableau 2, qui indique également pour chaque produit sa teneur en nonoxynol- 9. Les informations fournies sont cependant très insuffisantes pour permettre de déterminer la forme galénique de spermicide assurant la meilleure protection du vagin et du col, celle qui est la plus acceptable pour les femmes et leurs partenaires, et la manière dont la protection associée à l’utilisation des spermicides pourrait être améliorée par l’utilisation concomitante d’une autre méthode féminine de protection, telle que la cape cervicale ou le diaphragme. Certaines études montrent que les mousses sont perçues comme plus «incommodantes» et bien moins acceptées par les femmes, à la différence des films solubles(23). Chaque produit présente cependant ses propres avantages et inconvénients, perçus différemment par chaque utilisatrice. Les effets d’un counseling prudent et neutre concernant ces produits n’ont pas encore fait l’objet de mesures à l’occasion d’essais d’envergure, bien que certaines études soient actuellement en cours(24). En outre, aucune étude relative à la détermination du rôle protecteur des spermicides contre les infections virales non VIH n’a encore été conduite, à l’exception de celle réalisée sur le cancer du col de l’utérus, pour laquelle une étiologie virale (certains types de papillomavirus humains) est plus probablement envisagée. Il est par conséquent aujourd’hui impossible de savoir si une application post-coïtale de spermicides peut réduire le risque d’infection par le VIH. Cette pratique pourrait cependant être la seule méthode applicable pour les femmes ayant des relations de couple violentes ou qui ne permettent aucune négociation au sein du couple et dans lesquelles l’acte sexuel n’est pas suffisamment anticipé pour permettre l’application d’une méthode «clandestine», dont la durée d’efficacité est limitée. Aux Etats-Unis, nous disposons de peu d’études menées sur l’acceptabilité de spermicides utilisés à l’étranger (y compris ceux à base d’éléments actifs) tels que menfegol, chlorure de benzalkonium et chlorhexidine, même si ces derniers se sont également révélés, in vitro et au cours d’études cliniques préliminaires, actifs sur des germes de MST (25).

Enfin, presque aucune information concernant l’utilisation rectale de spermicides n’est actuellement disponible, même si les rapports par voie anale présentent des risques bien plus grands que par voie vaginale, et si cette pratique est rapportée par au moins 10% des femmes interrogées sur un large panel international de diverses populations, et par près de 50% des femmes participant à des essais cliniques réalisés aux Etats-Unis (26). Des enquêtes menées auprès de fabricants de produits pharmaceutiques semblent montrer que, dans la communauté homosexuelle utilisant par voie anale des solutions de lubrification contenant des concentrations de N9 jusqu’à 1 %, et chez les femmes utilisant par voie anale des mousses Delfen contenant une concentration de N9 bien plus élevée (12%), aucune irritation provoquée par ces produits n’a été constatée. Cependant, aucune recherche formelle ne semble avoir été entreprise à ce sujet (27).

■ Rôle protecteur des diaphragmes et capes cervicales contre le VIH

Bien que les rapports vaginaux comportent un risque d’infection par le VIH plus important pour les femmes que pour les hommes, on sait actuellement peu de choses sur la zone de pénétration élective du VIH chez la femme. Le risque d’infection par le VIH a très tôt été associé à l’ulcère génital aussi bien pour l’homme que pour la femme, et, de ce fait, le vagin a été considéré comme le lieu de transmission privilégié. Des essais pratiqués sur des animaux avec des solutions à haute teneur virale ont confirmé que l’infection pouvait être contractée en l’absence de col (28). On sait par ailleurs que les MST non ulcératives, telles que les chlamydioses et les gonorrhées, qui siègent de préférence au niveau du col et sont souvent très répandues au sein d’une population donnée, augmentent également le risque d’infection par le VIH (29). Ces constatations suggèrent un rôle éventuel du col dans l’infection par le VIH lorsque celui-ci est rendu plus vulnérable par la préexistence de MST. Ainsi, la rupture de l’épithélium vaginal, pour bon nombre de femmes, ne serait pas le facteur primordial, ni même l’unique mécanisme d’infection par le VIH (30).

Nombreuses sont les raisons qui laissent à penser qu’au même titre que le vagin, le col pourrait constituer un milieu particulièrement sensible à l’infection par le VIH. Tout d’abord, par analogie, il est souvent le siège privilégié d’infections par les germes responsables de MST à germes banals qui envahissent et se fixent plus facilement sur l’épithélium cylindrique (par opposition à l’épithélium malpighien de la muqueuse vaginale) (31).

En second lieu, sa propension au saignement et à l’irritation facilite théoriquement le contact entre le virus et les cellules cibles circulantes. En troisième lieu, les transformations de la muqueuse du col, liées aux premières règles ou à la grossesse et consécutives à la prise de contraceptifs oraux, peuvent s’associer à un risque variable d’infection par le VIH (32).

A titre d’exemple, la grossesse augmente le nombre de cellules cylindriques sur l’exo-col (33) (état connu sous le nom d’«ectopie» ou «ectropion ») ainsi que la largeur de la zone de transition (zone de métaplasie active (34) située entre les cellules malpighiennes et les cellules cylindriques) (35) ; la grossesse peut également accroître le risque d’infection par le VIH (36) et de passage du virus à la muqueuse utérine et vaginale (37). Certaines études de transmission du VIH ont montré que les contraceptifs oraux, également associés à l’ectopie du col utérin (38), constituaient un facteur d’accroissement du risque d’infection par le VIH (39). Ceci n’a cependant pas été retrouvé dans toutes les études relatives à la transmission du VIH (40). En tenant compte de l’ensemble de ces observations, on peut supposer que la femme présente une vulnérabilité anatomique particulière qui varie en fonction de l’imprégnation hormonale (hexogène ou endogène) et des étapes importantes de son cycle de vie.

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Le risque de contamination élevé chez les jeunes femmes a souvent été attribué à des causes sociologiques. Mais des explications biologiques seraient tout autant recevables.

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Enfin, les données épidémiologiques des cas de sida recueillies dans plusieurs pays africains suggèrent que les très jeunes femmes sont plus particulièrement exposées au risque de transmission du VIH (41). Des données récentes publiées par les Centers for Disease Control (CDQ ont également montré que l’âge moyen des femmes américaines hétérosexuelles sidéennes était de 5 ans inférieur à celui des hommes ayant le même facteur de risque (42). Dans les pays africains, ce risque apparemment élevé chez les jeunes femmes a souvent été attribué à des causes sociologiques en arguant de la tendance des hommes plus âgés (qui risquent plus d’être infectés par le VIH) à rechercher des partenaires sexuelles jeunes (supposées «saines»). Mais des explications biologiques seraient tout autant recevables : les très jeunes femmes qui ont une vie sexuelle active et dont le col est immature courent, au moment de l’éjaculation, un risque accru d’exposition directe de la muqueuse cylindrique et de la zone de transition, c’est-à-dire les cellules les plus sensibles à l’invasion ou à la pénétration d’agents pathogènes. Les femmes jeunes qui ont leur premier rapport sexuel plus tardivement développent moins fréquemment des infections pelviennes et utérines que des femmes plus précoces (43), même s’il est évident que ceci peut être également lié à un nombre plus élevé de partenaires au cours de leur vie sexuelle.

Des études récentes montrent que le VIH pénètre plus fréquemment par le col que par le vagin (44). Ceci peut cependant résulter d’un foyer secondaire à une infection générale, et pas nécessairement marquer la porte d’entrée du virus.

Ainsi, au regard des risques de transmission et d’infection liés à la zone cervicale, il y a de sérieuses raisons de poursuivre les études relatives aux moyens de protection locale. On constate notamment que le port par les femmes d’une protection physique à long terme peut, dans la pratique, être plus acceptable pour des femmes de différentes cultures que l’application quotidienne d’une barrière chimique, et cela indépendamment des cultures. Une fois résolus les difficiles problèmes méthodologiques qui se posent, il sera plus facile d’évaluer l’efficacité des protections cervicales éventuellement proposées. Des études expérimentales ont démontré que le port du diaphragme assurait des degrés variables de protection contre la gonorrhée, la chlamydia et le cancer du col, comparables à ceux liés à l’utilisation de spermicides seuls (45). Bien que certaines études aient rapporté une réduction du risque allant jusqu’à 90%, une revue générale a récemment estimé ce taux à 50-75% (46). Il n’a pas été et il n’est actuellement pas effectué d’essais cliniques contrôlés sur l’utilisation des diaphragmes et des capes cervicales dans la protection contre les MST. Il n’existe actuellement aucune étude spécifique sur l’utilisation de la cape cervicale dans le risque de MST, même si une certaine protection est suggérée par des études réalisées sur le diaphragme (47). Du fait qu’elle assure autour du col une meilleure étanchéité que celle qu’apporte le diaphragme, la cape pourrait constituer un moyen de protection plus efficace contre les germes pathogènes. Comme pour le diaphragme, il n’existe aucune certitude quant à une protection meilleure contre la grossesse ou les MST par la cape associée à des spermicides que par la cape seule. Il n’existe qu’une seule étude comparative fournissant des informations sur l’utilisation de spermicides chez les femmes et le taux de grossesse correspondant : cette étude a révélé que les utilisatrices d’une association spermicide-cape n’étaient pas mieux protégées que celles utilisant des capes uniquement (48). Il est cependant regrettable que d’autres facteurs, tels que les pratiques et les partenaires sexuels des femmes, n’aient pu être pris en compte dans l’analyse statistique.

Les Etats-Unis n’ont approuvé qu’un seul type de cape cervicale, bien qu’il en existe plusieurs variétés en Europe, pour lesquelles il n’y a cependant pas d’informations claires permettant de distinguer les différents types. Les capes en plastique dur, qui ont fait l’objet, en Allemagne (49), d’essais limités sur le port de contraceptifs de longue durée (c’est-à-dire entre cycles menstruels), sont encore disponibles. Deux nouveaux modèles de capes cervicales sont en cours d’essais cliniques aux Etats-Unis (50). Plusieurs études ont démontré que les capes cervicales offrent par rapport au diaphragme des avantages particuliers qui les rendent susceptibles, par conséquent, d’emporter l’adhésion auprès de certaines femmes (51).

■ Protections locales sans spermicide

De nombreuses questions persistent quant à l’utilisation de moyens locaux de protection contre les MST : nous ne savons pas, par exemple, si la protection observée est due au recouvrement mécanique du col, au fait que ces protections maintiennent le spermicide contre le col, ou à une combinaison de ces deux effets. Des résultats d’études contradictoires et des informations incohérentes quant à la régularité d’utilisation n’ont pas permis de résoudre ce problème informatif, qui revêt aujourd’hui une importance toute particulière (52).

L’efficacité de méthode des protections locales (mesurées par l’indice « method-effectiveness ») telles que diaphragmes et capes, utilisées seules, est d’une importance primordiale pour les populations pauvres : les spermicides peuvent coûter cher. Dans le même ordre d’idées, les protections locales qui peuvent être appliquées un certain temps avant le rapport, et qui ne nécessitent pas une mise en œuvre quotidienne sont vitales lorsque les femmes n’ont aucune intimité possible et que leurs partenaires leur interdisent catégoriquement toute protection, ou encore lorsqu’elles adoptent un comportement sexuel à risque, accompagné d’usage de drogues telles que la cocaïne.

Une récente revue rétrospective consacrée aux cas de grossesse chez les femmes portant de manière permanente des diaphragmes sans utilisation de gel spermicide a révélé qu’une protection mécanique constante du col pouvait être plus bénéfique que l’application sporadique (et par conséquent plus sujette à erreur) d’une protection mécanique et chimique (53). Cette étude fait suite à un rapport plus ancien concernant une nouvelle méthode d’utilisation de diaphragme sans contrainte de taille (54). Les utilisatrices de diaphragmes de petite taille pendant tout le mois n’ont eu un taux d’échec que de 2,8%, contre celui de 9,8% relevé chez les utilisatrices de diaphragme/gel. Cependant, un essai réalisé en Angleterre sur 110 femmes appliquant la méthode préconisée par Stim (méthode d’utilisation «sans contrainte de taille» et sans spermicide) a donné lieu à un taux de grossesse relativement élevé (55), mais les résultats n’ont cependant pas permis de savoir si les diaphragmes de petite taille («sans contrainte de taille») utilisés avec un spermicide pouvaient être utilisés de manière plus régulière. Une étude prospective bien conduite portant sur la grossesse et les MST est par conséquent tout à fait urgente.

■ Préservatif féminin

Le préservatif féminin, connu aux Etats-Unis sous le nom de «Reality» et en Europe sous le nom de « Femidom », a été agréé aux Etats-Unis en mai 1993, plusieurs années après son lancement en Europe. Il s’agit d’une gaine en polyuréthanne de 170 mm de long ayant une extrémité close comportant un anneau souple et mobile qui permet une meilleure mise en place. L’extrémité ouverte est terminée par un second anneau souple, solidaire de la gaine, qui s’applique contre la vulve (voir figure en page 27). Les différents taux d’échec de ce préservatif féminin, déterminés sur la base d’une étude soigneusement menée et supervisée par la FDA, sont comparables à ceux obtenus avec d’autres méthodes de protection féminines et masculines : ces taux varient de 5 à 21 % par an (56). Comme pour le préservatif masculin, une application incorrecte ou irrégulière fait baisser l’indice «use-effectiveness». L’argument selon lequel le préservatif féminin joue un rôle dans la prévention des MST est également renforcé par d’autres études : des essais en laboratoire ont prouvé que les préservatifs féminins se déchirent moins facilement que les préservatifs masculins en latex, et qu’ils empêchent le passage de particules virales aussi petites que celles du virus de l’hépatite B (plus petite que le VIH) (57). Une étude, menée sur des femmes qui présentaient une bonne compliance du produit, n’a révélé aucune nouvelle infection par le trichomonas vaginalis, par rapport à des femmes utilisant le produit de manière épisodique ou ne l’utilisant pas du tout (58).

Une utilisation plus répandue du préservatif féminin permettra de mieux estimer son efficacité, tant en termes de contraception que de prophylaxie. Des études d’acceptabilité utilisant des méthodologies d’évaluation diverses, menées aux Etats-Unis, en Europe, en Amérique Latine et en Afrique, sur un faible nombre de femmes mais de populations diverses, ont jusqu’à présent suggéré que la majorité des femmes et un nombre moindre de partenaires masculins (environ la moitié) appréciaient le dispositif (59). Les termes utilisés par les femmes pour caractériser le dispositif étaient, parmi d’autres, la sensation de douceur, l’impression de protection totale et le sentiment de maîtriser le risque VIH/MST. On constate dans la plupart des cas que les premières impressions négatives des femmes quant à la grande dimension du dispositif, l’aspect inconfortable des deux anneaux (interne et externe) et leur crainte de blessure interne ou d’inconfort, se dissipent rapidement et ne persistent guère après utilisation. Cependant, peu de ces études ont été réalisées sur une période dépassant quelques mois; par conséquent il n’y a pas encore de données à long terme disponibles relatives aux niveaux d’acceptabilité et de compliance.

Certaines n’apprécient pas le fait que le préservatif féminin reste visible du partenaire. Cependant, et de manière tout à fait étonnante, des données recueillies auprès de groupes ont démontré que, pour la plupart des femmes dont les partenaires ne voulaient pas porter de préservatifs masculins, ce dispositif apporterait un changement radical de la relation sexuelle(60). «Une fois que je l’ai sur moi, que peut-il faire ?», résume l’une des participantes (61). Peu de réactions violentes du partenaire ont été rapportées. De nombreux chercheurs ont pu constater que les femmes étaient largement réceptives à cette méthode lorsqu’elle leur était présentée de manière claire, avec des renseignements pratiques suffisamment explicites quant à son utilisation, et qu’on les encourageait à ne pas abandonner avant d’avoir effectué deux ou trois essais.

Le préservatif féminin offre des perspectives de protection semblables, voire supérieures, à celles du préservatif masculin. Il se déchire moins facilement que le latex et protège la vulve de la femme, ce qui n’est pas le cas du préservatif masculin. De plus, il peut être mis en place bien avant tout contact avec le liquide préséminal, alors que l’application du préservatif masculin dépend de l’érection de l’homme. En dépit de ces avantages, le préservatif féminin a rencontré une réelle résistance, tant chez les politiciens que chez les professionnels de santé, ce qui n’avait pas été le cas pour le préservatif masculin, même si ce dernier n’avait pas été A tout aussi bien soumis à des essais de protection contre le VIH au moment de sa reconnaissance en tant que moyen de prévention du VIH. Aux Etats-Unis, par exemple, les communiqués de presse relatifs à l’homologation du préservatif féminin ont largement nui à la confiance en la méthode, même si les arguments étaient uniquement fondés sur des anecdotes et des opinions subjectives, et non pas sur une réelle expérimentation de la méthode.

■ Douche vaginale

Il n’y a actuellement pas, concernant le risque d’infection par le VIH, d’étude relative aux effets de pratiques particulières telles que la douche vaginale, sur lesquelles la femme a davantage de contrôle qu’avec les autres méthodes traitées jusqu’ici, et qu’elle pourrait choisir d’appliquer. Dans certaines études (62) - mais pas dans toutes (63)-, la douche vaginale a cependant été associée à un risque accru d’infections de l’appareil génital haut. Il a été suggéré que ce fait pouvait être dû à une introduction mécanique forcée des micro-organismes dans le canal endocervical et/ou à une dénaturation de l’épithélium et de la lubrification naturelle, qui a pour rôle de détruire les agents pathogènes dans le vagin, créant ainsi un environnement favorable à l’infection (voir plus loin, discussion sur l’écologie vaginale). Toute application dans le vagin et/ou la vulve de détergents ou d’agents séchants - comme cela se pratique dans certains pays d’Afrique (64)- peut augmenter le risque d’infection par le VIH en suscitant des lésions épithéliales (65). Des recherches plus poussées sont nécessaires dans ce domaine.

■ Coïtus interruptus

Une publication récente, tirée d’une étude actuellement en cours sur une cohorte de couples discordants face au VIH, a apporté la première preuve tangible d’une probable réduction du risque de transmission du VIH à la femme en cas de retrait du partenaire avant l’éjaculation (66). Le taux de séroconversion chez des femmes dont les partenaires se retiraient environ une fois sur deux a été réduit de 80 % par rapport aux femmes dont les partenaires ne pratiquent jamais ou rarement le coïtus interruptus. Sur 12 couples pratiquant de manière régulière le retrait, aucune séroconversion n’a été observée. Ces importantes découvertes devront être confirmées par d’autres études. Des informations relatives au retrait devraient être régulièrement collectées dans le cadre du suivi de cohortes destiné à évaluer la transmission du VIH par voie sexuelle. Comparé à l’utilisation du préservatif par le partenaire masculin, ce retrait peut davantage être contrôlé par la femme si la non-utilisation du préservatif résulte d’une certaine insécurité sexuelle et d’une crainte de perte d’érection. Une femme aurait peut-être plus de chances d’obtenir la coopération de son partenaire si elle lui proposait de se retirer pour éviter une grossesse plutôt que pour prévenir une infection par le VIH.

■ Digues dentaires

Les digues dentaires carrées en latex, utilisées en chirurgie dentaire, sont recommandées lors de rapports bucco-vaginaux/vulvaires pour la protection contre la transmission du VIH. Cependant, au cours de ces dernières années, l’utilisation de «films alimentaires» en plastique est devenue plus populaire et, aujourd’hui, certaines associations de lutte contre le sida la recommandent de préférence, du fait de sa taille plus grande, de sa transparence, de son moindre coût et de sa relative accessibilité si on la compare aux digues dentaires. Il n’y a pas de résultats démontrant une réelle protection contre le VIH, bien qu’il ait été constaté que ces méthodes empêchaient le passage du virus de l’herpès, qui est d’une taille similaire à celle du VIH (67). La transmission par voie bucco-vaginale est considérée comme beaucoup moins dangereuse que le coït vaginal. Pour les femmes qui n’ont de relations sexuelles qu’avec d’autres femmes, le risque relatif est cependant plus important. Le CDC n’a enregistré aucun cas de sida chez les femmes qui n’ont de rapports sexuels qu’entre elles sans aucun autre facteur de risque (tel que rapport hétérosexuel, ou injection de drogue par voie intraveineuse) (68), même si ce type d’information n’est malheureusement pas recueilli de manière régulière. On ne connaît donc pas le nombre de femmes atteintes du sida qui ont des rapports sexuels entre femmes, en plus de rapports hétérosexuels et/ou d’injections de drogue par voie intraveineuse. Des cas de transmission éventuelle du VIH chez des femmes ayant exclusivement des rapports entre elles, sans aucun autre facteur de risque, ont par ailleurs été publiés (69).

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En dépit de ses avantages, le préservatif féminin a rencontré une réelle résistance tant au niveau des politiciens que des professionnels de santé, ce qui n’avait pas été le cas pour le préservatif masculin.

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■ Microbicide

Le développement et la recherche sur les agents virucides se sont accélérés ces dernières années (70). Du fait du coût important en termes de morbidité et de mortalité, associé aux MST conventionnelles, ainsi que leur liaison avec le VIH, le terme «microbicide» a été préféré au terme «virucide». Le microbicide idéal devrait pouvoir être contrôlé par la femme sans que l’homme le sache. Il devrait pouvoir être appliqué aussi bien au niveau vaginal que rectal. Il devrait aussi détruire tous les microbes pathogènes des MST, y compris le VIH, et laisser le choix entre conception et contraception. Il devrait enfin pouvoir être utilisé en toute sécurité de façon répétée et à long terme, sur une large gamme de populations, y compris les professionnelles du sexe. Finalement, un tel produit devrait pouvoir être appliqué bien avant le rapport et demeurer efficace pendant longtemps dans le vagin.

Des recherches directes sur un microbicide ont été entreprises aux Etats-Unis par le Population Council, une association internationale à but non lucratif (71), ainsi que par un certain nombre d’institutions basées aux Etats-Unis et au Canada. Parmi les microbicides les plus prometteurs, une classe de produits appelés polysaccharides polysulphatés s’est révélée très efficace pour bloquer la transmission du VIH à des concentrations bien inférieures à celles qui donnent lieu à des lésions épithéliales (72). Parmi eux, le composé carragheen -que l’on trouve dans la crème glacée, le chewing-gum et les cosmétiques courants - s’est révélé potentiellement intéressant; un essai clinique de phase I a commencé. D’autres approches consistent à ajuster le Ph du vagin pour le maintenir à un niveau bas, ou d’associer différents spermicides pour en améliorer l’activité (et réduire la dose efficace) (73).

Cependant, en attendant l’apparition d’un microbicide qui n’est malheureusement pas envisageable avant plusieurs années, il y a encore un réel besoin d’éducation dans le domaine des méthodes classiques de protection contre les MST, telles que celles qui sont discutées dans la présente revue générale. Nous ne pouvons nous permettre d’être inactifs pendant la phase d’essai de ces nouveaux produits qui peuvent encore être freinés par toutes sortes d’obstacles scientifiques, économiques et politiques. De plus, les coûts élevés peuvent limiter, notamment au cours des premières années, l’accès à ces produits pour les communautés les plus défavorisées. Néanmoins, les progrès récemment réalisés sur le microbicide sont spectaculaires et doivent se poursuivre.

■ Rôle du biotope vaginal

On sait peu de choses sur l’interaction entre les méthodes contraceptives et l’écosystème vaginal, ainsi que les éventuels effets d’un déséquilibre de cet écosystème sur les risques d’infection par le VIH. Ces dernières années, les professionnels de santé se sont intéressés à une pathologie, aujourd’hui connue sous l’appellation «vaginose bactérienne» (VB) et auparavant appelée infection à gardnerella ou hemophilus vaginalis, ou encore vaginite non spécifique (74). Aucun micro-organisme spécifique n’est lié au développement de la VB (y compris la gardnerella) ; en fait, le diagnostic de vaginose peut être porté en présence de germes d’espèces différentes et en quantités variables. Cette pathologie est caractérisée par une réduction globale des lactobacilli (considérés comme des bactéries protectrices et micro-organismes généralement prédominants dans une flore vaginale normalement équilibrée) associée à une augmentation d’autres bactéries, normalement présentes (mais en faible quantité). Plusieurs études ont suggéré une association entre des souches de lactobacilli productrices de H2O2 et la protection contre la VB, tandis qu’une absence de ces souches peut être associée à un risque accru (75). On ne sait pas si la VB est responsable d’une diminution des souches productrices de H2O2 ou si ces souches inhibent la croissance des micro-organismes responsables de la VB. Cependant, la déplétion ou la diminution de lactobacilli n’entre pas dans la définition de la VB car elle n’est pas suffisamment spécifique. Certaines femmes indemnes de VB ont peu ou pas du tout de lactobacilli dans leur vagin (76). De même, certaines femmes atteintes de VB ont une flore normalement équilibrée en lactobacilli. Par contre, la VB est habituellement définie comme une combinaison d’écoulements vaginaux, d’odeur, de présence de bactéries à la coloration de Cram, et par un pH vaginal (alcalin) altéré. En tant que telle, elle semble être un marqueur d’agents infectieux ou autres. La séquence causale entre exposition à l’agent infectieux et développement de la VB n’est pas bien comprise et semble quelque peu complexe (en d’autres termes, la VB peut à son tour augmenter le risque d’infection lorsqu’elle est associée à l’un des micro-organismes qui l’a générée). L’élucidation de ce dilemme s’est heurtée à des protocoles d’études problématiques, tels que les enquêtes croisées, ainsi qu’à des études sans groupe de contrôle, ne tenant pas compte de confusions telles que l’activité sexuelle. Dans certaines de ces études, le port d’un dispositif intra-utérin ou d’un diaphragme avec utilisation de spermicide a été considéré comme un facteur associé à la VB (77). Cependant, l’utilisation d’un diaphragme avec spermicide n’a pas révélé de modifications de la flore lactobacilli. Des études en laboratoire ont révélé que les spermicides à base de nonoxynol-9 détruisaient le lactobacilli, et notamment les souches productrices de H2O2 (78), mais qu’ils détruisaient également des micro-organismes associés à la VB (79). Par conséquent, les effets réels chez la femme, dans des conditions d’utilisation typiques, sont peu évidents. Une expérience récente sur des singes a montré qu’une seule application de spermicide N9 ne modifiait pas de manière significative la microflore vaginale, cela étant apprécié par ses effets insignifiants sur le lactobacilli (80).

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Nous ne pouvons nous permettre d’être inactifs pendant la phase d’essai de ces nouveaux produits qui peuvent encore être freinés par toute sorte d’obstacles scientifiques, économiques et politiques.

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La plupart des études cliniques récentes, fondées sur de meilleurs protocoles d’étude, ont impliqué la VB comme étant à l’origine d’environ 5 % des naissances prématurées à faible poids parmi des femmes n’ayant pas de facteurs connus de risque d’accouchement prématuré (81). Un essai clinique randomisé a montré que, parmi les femmes ayant des antécédents d’accouchement prématuré, le traitement de la VB a réduit cette fréquence d’environ un tiers (82). Cependant, il n’existe pas d’études associant la VB et le risque d’infection par le VIH. Le plus important concept résultant de cette problématique est probablement le fait que le maintien d’un pH acide dans le vagin est primordial pour la défense anti-infectieuse, que cela soit dû à l’environnement inhospitalier, aux invasions microbiennes ou aux micro-organismes « protecteurs» qui peuvent s’y développer. Bien que les lactobacilli permettent probablement de maintenir un pH bas, ces bactéries ne semblent pas nécessaires dans tous les cas, étant donné que le métabolisme acidolactique des cellules épithéliales vaginales normales assure également ces conditions d’acidité (83). En fait, les sécrétions vaginales sont déjà acides à la naissance même si le vagin est exempt de bactéries. Le rôle potentiel des produits naturels ou synthétiques destinés à restaurer l’acidité du vagin, chez les femmes ayant une vaginite ou une vaginose (cette dernière étant différente de la première du fait de l’absence d’inflammation), semble en fait très prometteur. Cette approche a fait l’objet de nombreuses recherches en laboratoire, ces dernières années, avec plus ou moins de succès (84). Cet effort de recherche fait suite à une longue histoire de promotion des «remèdes de bonne femme» (85) lancés par le mouvement pour la santé des femmes, qui consistent souvent en l’application locale, dans le vagin et en ingestion, de yoghourts naturels ou autres aliments contenant des lactobacilli.

Il existe peu de recherches sur le rôle du rapport sexuel dans l’altération de la flore et du pH vaginal ; on sait cependant que l’éjaculat a un effet tampon puissant (qui maintient le pH du vagin à un niveau élevé, ou alcalin) se prolongeant jusqu’à huit heures (86). Pour des femmes ayant des rapports sexuels fréquents (c’est-à-dire un nombre supérieur à un par jour), il est possible par conséquent que le pH vaginal ne soit jamais acide, et donc non protecteur contre les agents pathogènes.

* Directeur, Epidémiologie du sida, département de la Santé publique de Philadelphie, Pennsylvanie, 19146 USA. 

Je remercie tout particulièrement le docteur Zena Stein et le docteur Paul Feldblum pour la finesse et la perspicacité de leurs commentaires.

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(45) K. M. Stone et al., 1986, op. cit. W. Cates, K. M. Stone, « Family planning, sexually transmitted diseases and contraceptive choice: A literature update party », 1992, Studies in Family Planning vol. 24, p. 75-84.

(46) M.J. Rosenberg E. L. Gollub, 1992, op. cit.

(47) K.M. Stone, 1990, op. cit. W. Cates, K.M. Stone, 1992, op. cit. M.J. Rosenberg E. L. Gollub, 1992, op. cit.

(48) G. A. Richwald et al., «Effectiveness of the cavity-rim cervical cap: Results of a large clinical study», 1989, Obstet Gynecol, vol. 74, n°2, p. 143-148.

(49) E. Grafenberg R. L. Dickinson, «Conception control by plastic cervix cap», 1944, Western Journal of Surgery, p. 335-340. H. Lehfeldt et al., «Spermicidal effectiveness of chemical contraceptives used with the firm cervical cap», 1961, American Journal of Obstetrics and Gynecology, vol. 82, p. 446-448. H. Lehfeldt, «Cervical cap», 1970, in M. S. Calderone, «Manual of family planning and contraceptive practice», Baltimore, Williams & Wilkins.

(50) A. A. Shihata, E. L. Gollub, « Acceptability of a new intravaginal barrier contraceptive device (Femcap)», 1992, Contraception, vol. 46, p. 511 -517. W. L. Hunt et al., «Tolerance Study», 1994, Contraception, vol. 50, p. 551-554.

(51 ) G. A. Richwald, 1989, op. cit. J. P. Koch, «The Prentif contraceptive cervical cap: Acceptability aspects and their implications for future cap design », 1982, Contraception, vol. 25, n°2, p. 161-173. H. Lehfeldt, I. Sivin, « Use-effectiveness of the Prentif cervical cap in private practice: a prospective study», 1984, Contraception, vol. 30,n°4, p. 331-338.

(66) I. De Vincenzi, 1994, op. cit.

(67) S. M. Carland et al., «Plastic wrap for ultrasound transducers: Herpes Simplex virus transmission », 1989, Journal of Ultrasound in Medicine, vol. 8, p. 661-663.

(68) S. Y. Chu et al., «Epidemiology of reported cases of AIDS in lesbians, United States 1980-89», 1990, American Journal of Public Health, vol. 80, p. 1380-1381.

(69) M. Marmor et al., «Possible female-to-female transmission of human immunodeficiency virus», 1986, Annals of Internal Medicine, vol. 105, p. 969. O. T. Monzon, J. M. B. Capellan, «Female-to-female transmission of HIV», 1987, The Lancet, vol. 2, p.40-41.

(70) Z.A. Stein, «HIV prevention: The need for methods women can use», 1990, American Journal of Public Health, vol. 80, p.460-462. C. Elias, L. Heise, «The development of microbicides: A new method of HIV prevention for women», 1993, Working papers, n°6, New York, The Population Council. R. Pauwels, E. De Clereq, « Development of vaginal microbicides for the prevention of heterosexual transmission of HIV», 1996, Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes and Human Retrovirology, vol. 11, p. 211-221.

(71) P.M. Rowe, «Research into topical microbicides against STDs», 1995, The Lancet, vol. 345, p. 1231. J.M. Lange et al., «Boost for vaginal microbicides against HIV», 1993, The Lancet, vol. 342, n°8883, p. 1356.

(72) C. Elias, 1993, op. cit. R. Pearce-Pratt, D.M. Phillips, «Studies of adhesion of lymphocytic cells: Implication for sexual transmission of the human immunodeficiency virus», 1993, Biology of Reproduction, vol. 48, p. 431-445.

(73) J. Cohen, «Women: Absent term in the AIDS research equation», 1995, Science, vol. 269, p. 777-780. R. Voelker, « Scientists zero in on new HIV microbicides», 1995, JAMA, vol. 273, n°13, p. 979-980. P. M. Rowe, 1995, op. cit. (74) S. Hillier, K.K. Holmes, «Bacterial Vaginosis», 1990, in K. K. Holmes et al., Sexually Transmitted Diseases, 2e édition (p. 167-180), New York, McGraw-Hill.

En résumé

1) Les spermicides réduisent le risque de MST.

2) Cette réduction du risque de MST peut avoir un impact indirect considérable sur le risque d’infection par le VIH.

3) Le caractère discret de l’utilisation des spermicides renforce leur efficacité potentielle.

4) En tenant compte des carences de l’étude menée à Nairobi et en admettant qu’un très faible pourcentage d’utilisatrices présente des irritations mineures, il n’existe aucune preuve significative de l’effet délétère des spermicides, et une étude au moins suggère une protection potentielle contre l’infection par le VIH. Cependant, d’un point de vue risque-bénéfice et sur la base des informations actuellement disponibles, la recommandation d’utiliser des spermicides pour réduire le risque d’infection par MST/VIH est totalement fondée, notamment lorsque les préservatifs ne sont pas utilisés de manière régulière(l). Il semble aussi prudent dans les futures études de réduction du risque de transmission du VIH d’utiliser des doses plus faibles (150 mg de N9 ou moins). Ceci est d’autant plus vrai pour les femmes ayant des rapports sexuels fréquents, comme par exemple les professionnelles du sexe. Cependant, il n’a été observé aucun effet indésirable induit par des produits à des concentrations intermédiaires de N9, qu’il s’agisse de mousses, de crèmes, de gels ou d’ovules.

5) La protection du col par un diaphragme ou une cape cervicale joue indiscutablement un rôle dans la prévention des MST et peut de ce fait indirectement réduire le risque d’infection par le VIH.

6) Il est évident pour de nombreuses raisons que ce type de protection peut également avoir un effet direct sur la prévention de la transmission du VIH, bien qu’il soit encore trop tôt pour en déterminer la portée.

7) Nous rappellerons que dans la plupart des cas, ces protections ne sont pas décelées par les partenaires masculins.

8) Des études plus approfondies sont nécessaires d’urgence afin de déterminer si le port de protections locales est plus efficace contre les MST qu’une méthode appliquée uniquement avant le rapport sexuel. Du fait de la quasi-absence d’intolérance de ces protections, le rapport risque-bénéfice est encore une fois en faveur d’une utilisation de ces moyens de protection, en association ou en remplacement d’autres méthodes, et notamment lorsque la femme n’est pas en mesure de négocier avec son partenaire l’utilisation d’un préservatif masculin ou féminin.

En conclusion

Le préservatif masculin, lorsqu’il est utilisé de manière cohérente et correcte, s’est montré très efficace contre le VIH ; cependant, peu de femmes ont des partenaires qui utilisent régulièrement cette méthode. Diverses méthodes contraceptives féminines locales, y compris le très efficace préservatif féminin, ont démontré leur potentiel à réduire le risque d’infection par le VIH et autres MST. Le degré d’efficacité dans l’utilisation (use-effectiveness) des méthodes à initiative féminine contre les MST est souvent supérieur à celui du préservatif masculin, car leur utilisation est contrôlée par les femmes. Pour la protection contre le VIH, si un préservatif masculin ou féminin n’est pas utilisé à chaque rapport sexuel, des spermicides peuvent l’être pour assurer une certaine protection - bien qu’elle soit inférieure. Les diaphragmes et capes cervicales n’ont pas été testés dans l’infection par le VIH ; cependant, ils peuvent également contribuer à réduire les risques en protégeant le col. Il convient de développer avec soin et d’adapter selon les régions, les populations et les coutumes, des approches de counseling fondées sur une stratégie «hiérarchisée» de réduction des risques liés à la sexualité féminine. Les données disponibles à ce jour suggèrent que, lorsque l’utilisation d’un préservatif masculin ou féminin n’est pas possible, l’utilisation par les femmes de protections chimiques et/ou d’autres méthodes contraceptives physiques permet une réduction du risque d’infection sexuelle par le VIH ou autres MST.

(1) E. Gollub, Z. Stein, «Nonoxynol-9 and HIV transmission in women (letter)», 1992, AIDS, vol. 6, n° 6, p. 599-601.

Les mauvaises raisons d’une réticence

Les représentations de la femme et un malentendu sur la prévention freinent la promotion des méthodes de protection féminines. Pourtant, une expérience menée par l’Etat de New York illustre leur intérêt dans une logique de "réduction des risques».

Aux Etats-Unis comme ailleurs, l’une des raisons sous-jacente de cette répulsion face aux méthodes de protection féminines telles que le Femidom semble résider dans cette croyance obsolète et aliénante selon laquelle les femmes ne sont pas en mesure d’apprendre à utiliser une protection cohérente du fait d’une gêne inhérente à toucher leurs organes génitaux. Cependant, nombreux sont ceux qui pourraient répondre que la gêne à toucher ses propres organes génitaux est un comportement acquis qui n’est lié ni au genre ni à la culture. Depuis l’apparition de la pilule, par exemple, les femmes n’ont pas été encouragées à utiliser leurs propres méthodes de protection locales. Avant la pilule, bon nombre de couples utilisaient régulièrement ces méthodes (1); aujourd’hui encore, de nombreux centres de planning familial considèrent que les femmes ne sont pas des utilisatrices compétentes. De récents travaux indiquent qu’une meilleure prise en compte de ces méthodes pourrait être obtenue par le biais de campagnes de sensibilisation ciblées (2). Aujourd’hui, il faudrait donc se concentrer davantage sur l’étude et la «modélisation» de programmes de counseling qui ont montré une certaine efficacité.

Un second point concernant la réticence observée visà- vis du préservatif féminin - en fait envers toutes les méthodes de prévention des MST contrôlées par les femmes - repose dès le départ sur un malentendu : il faut trouver la méthode « parfaite ». De même, bien que les préservatifs masculins atteignent rarement, voire jamais, le niveau d’efficacité qui leur est communément attribué, et bien que les femmes n’aient pas le contrôle de l’utilisation du préservatif masculin, ce dernier continue d’être considéré comme le standard universel dans la prévention du V1H. Des recherches en matière de planning familial ont démontré que la diversification des techniques augmente la probabilité d’utilisation de ces méthodes. De plus, des études antérieures de la santé publique ont montré qu’une méthode théoriquement imparfaite pourrait souvent atteindre un taux d’efficacité élevé lorsque son utilisation est généralisée à l’ensemble de la population. Par exemple, les mesures générales de santé publique telles que la campagne de vaccination des enfants ont souvent donné heu à des taux d’efficacité réelle inférieurs à 100% (3). De même, comme nous l’avons dit précédemment, traiter les MST pour réduire le risque d’infection par le VIH n’est pas censé éliminer le risque mais peut potentiellement le diviser par deux (4). Enfin, le fait de reconnaître que « dire tout simplement non à la drogue » peut être difficile, voire impossible à réaliser à grande échelle, a conduit à proposer aux drogués des aiguilles propres pour réduire le risque d’infection. A cet effet, aux Etats-Unis, sur la base d’une évaluation des résultats d’études en la matière, l’Académie nationale des sciences a tout récemment validé cette approche de la réduction du risque d’infection par le VIH, et a encouragé le développement de programmes similaires (5).

L’Etat de New York a élaboré une échelle de réduction du risque d’infection par le VIH pour les femmes, qui part de l’abstinence et de la fidélité mutuelle, passe graduellement par le préservatif masculin, le préservatif féminin, le diaphragme associé à un spermicide et, finalement, aboutit au spermicide seul, en insistant fortement sur le fait que ces dernières méthodes ne sont pas aussi efficaces que le préservatif masculin (voir p. 29). Alors que cette classification constitue actuellement la politique officielle de l’Etat de New York en matière de counseling contre le VIH pour les programmes de planning familial, des recherches récemment entreprises ont pour objectif de déterminer dans quelle mesure les femmes comprennent le gradient de protection offert par les différentes méthodes proposées, et si les femmes qui ont jusqu’alors négocié avec leurs partenaires le port du préservatif masculin ne risquent pas de cesser cet effort de négociation lorsqu’elles disposeront d’autres solutions «plus faciles», ne nécessitant pas de négociation (phénomène appelé « régression du préservatif »). Les premiers résultats présentés sont plutôt rassurants quant aux intentions de comportement (6). D’autres données préliminaires sur les comportements réels, tirées d’une étude clinique réalisée sur des patients hospitalisés pour MST, laissent à penser que le message hiérarchisé est globalement bien compris; une fois informées, la plupart des femmes dont les partenaires utilisent des préservatifs masculins continuent de préférer cette méthode de protection (7). Il est néanmoins évident que des évaluations doivent être poursuivies pour déterminer si les espoirs d’une meilleure protection contre les MST/VIH avec ce type d’approche sont fondés.

E.L.G. (1) Population Reports, «New developments in vaginal contraception», 1984, Sériés H, n°7 (janvier-février), H157- H190, Baltimore, Population Information Program, John Hopkins University. • (2) Hira et al., 1995, op. cit. ; Gollub, Steib, El-Sadr, 1995, op. cit. • (3) W. Cates, A. R. Hinman, «AIDS and absolutism - the demand for perfection in prevention», 1992, New England Journal of Medicine, vol. 327, p. 492-494. • (4) Laga, 1993, op. cit. H. Grosskurth et al., «Impact of improved treatment of sexually transmitted diseases on HIV infection in rural Tanzania: randomised controlled trial », 1995, The Lancet vol. 346, p. 530-536. • (5) D. H. Frankel, «Support for needle-exchange programmes», 1995, The Lancet vol. 346, p.895. • (6) M. D. Sorin, «The women’s methods of sexual HIV self-protection hierarchy in family planning», 1995, (abstract) HIV Infection in Women conference, Washington DC, 22-24 février. • (7) E. Gollub et al., «The women’s safer sex hierarchy: Initial responses to counselling on women’s methods of STD/HIV prevention at an STD clinic», Abstract accepté pour la XIe conférence internationale sur le sida, Vancouver, 1996.

Erica Gollub est Professeur en Sciences de la Santé à Pace University, état de New York. Sa recherche est centrée depuis plus de 25 ans sur la santé reproductive des femmes, y compris l’efficacité des méthodes “féminines” de prévention du Sida. Son approche “woman focused intervention”, dont un projet a été monté dans la région PACA, a été ensuite incorporé dans la campagne contre le Sida de la DDASS des Bouches du Rhône et du Ministère de la Santé.
Article du JDS #85

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